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Chapter 40 - Chapitre 40

Un silence régna au moment où Hísië expliqua à Aiden la terrible vérité sur la Conjonction des Sphères. Toutes les croyances et les idées des mages, sages et scribes semblaient fausses face à cette révélation. L'information était tellement puissante qu'elle remettait en question l'histoire même de leur monde.

Aiden resta un instant figé, le visage surpris. Il se souvenait des histoires que les anciens racontaient, des chants autour du feu, les soi-disant recherches sur la conjonction des sphères. Et maintenant, il comprenait que tout cela n'était qu'un mirage, une illusion façonnée par l'ignorance et l'espoir. Il demanda à Hísië, d'une voix troublée : « Alors, toutes ces croyances sur la Conjonction des Sphères… elles sont fausses ? »

Hísië hocha la tête et répondit : « En effet. Depuis le début, les mortels ont défini eux-mêmes la signification de la Conjonction. Mais ce n'est pas tout. Le but de ma fille Morniel n'était que de détruire notre création, d'anéantir tous nos efforts, et elle a failli réussir. »

D'un geste, Hísië fit disparaître l'endroit où ils se trouvaient. Une explosion sonore retentit, forçant Aiden à couvrir ses oreilles, puis le paysage changea. Devant eux, six silhouettes rayonnaient, chacune d'une couleur différente.

Hísië les approcha sans bouger, comme s'il contrôlait leur perception. Les six silhouettes semblaient fixées dans une scène figée dans le temps. La première représentait une elfe à la chevelure d'or et aux yeux brillants. Elle dégageait une aura de calme et de force, une royauté évidente. Mais l'elfe était blessée, et elle se tenait debout avec difficulté, soutenue par la silhouette à ses côtés.

Un homme à la carrure de guerrier, le visage marqué par la fatigue, les cheveux noirs détrempés par la pluie. Du sang recouvrait son visage, et son œil gauche ne s'ouvrait plus à cause d'une blessure.

Les quatre autres silhouettes étaient plus mystérieuses, chacune possédant une aura impossible à pénétrer, comme une barrière empêchant de les identifier. L'une dégageait une froideur saisissante, avec des cheveux blancs comme la neige et des yeux couleur de glace. Son épée et son bras gauche étaient recouverts de givre, et il saignait à la poitrine.

À ses côtés se trouvait une femme blonde, le visage tâché de sang. Ses yeux dorés luisaient d'une puissance incroyable. Sa main gauche, enroulée de lianes, formait un fouet, tandis que de l'autre main émanait une lueur verte rappelant la nature et la guérison.

Les deux dernières présences étaient aussi uniques : une femme aux cheveux couleur de feu, le sourire éclatant, dégageant une énergie brûlante qui consumait l'herbe sous ses pieds ; et un homme à la carrure imposante, comme un géant, aux cheveux roux et un marteau à la main, prêt pour la bataille.

Un sentiment d'incompréhension grandissait en Aiden. Son regard se posait sur ces figures, chacune si puissante et mystérieuse, mais il se sentait étrangement tiraillé. Comme s'il y avait quelque chose, un souvenir ou une émotion, qui voulait remonter à la surface mais restait hors de portée. C'était comme une chanson qu'il aurait oubliée.

Hísië regarda cette scène figée et expliqua à Aiden : « Ici se trouve le dernier endroit où nous avons combattu. » Il désigna l'elfe et l'homme. « Caladwen, porteuse de lumière et d'espoir, représentante des elfes, et son mari Eldarion, le premier humain. Ce sont nos premières créations, nos deux enfants, censés unir les deux espèces. »

Le regard de Hísië s'assombrit en détaillant le paysage autour d'eux. La terre portait encore les marques de cette bataille épique. Aiden pouvait voir des cadavres figés dans le temps, recouverts de poussière et de cendres. Des corps de monstres, d'humains, d'elfes et de nains gisaient, figés dans leurs dernières postures de souffrance et de peur. Un frisson parcourut son échine. Il pouvait presque entendre les cris d'agonie et le fracas des armes dans le silence qui les entourait.

Hísië s'approcha des silhouettes, son regard empli de tristesse. « Pour nous quatre, Caladwen et Eldarion étaient nos premiers enfants. Nous étions si fiers, si heureux, d'autant plus que Caladwen portait un enfant, notre futur petit-enfant. »

Il sourit avec une tendresse mêlée de nostalgie. « Tuilë, ma compagne, dansait souvent dans les forêts qu'elle avait créées, heureuse à l'idée de devenir grand-mère. Elle rêvait d'apprendre à leur enfant la musique, l'art et la joie de vivre. »

Le regard de Hísië se posa sur la silhouette aux cheveux d'or à côté de l'homme glacé. « C'est à cause de cette envie de famille que Tuilë et moi avons décidé d'avoir notre propre enfant. Mais cela nous a causé à tous des pertes que nous n'aurions jamais imaginées. » D'un geste, il toucha la joue de la femme et murmura : « Pardonne-moi, mon amour, toi dont les désirs ont toujours guidé mes choix. »

Une larme de glace tomba de son œil, formant un cristal sur le sol gelé, avant que la scène ne reprenne son immobilité figée.

« Cet endroit marque notre dernier combat contre Morniel. » Hísië agita la main et la vision se déplaça vers un trône, où une femme d'une beauté incroyable, aux cheveux d'or brillants, était assise, l'air arrogant et supérieur. Ses yeux dorés imposaient la loyauté. Autour d'elle se tenaient des monstres, et Aiden en reconnut un : un loup-garou blanc.

« Ce loup, je l'ai déjà vu, » murmura Aiden, pointant du doigt la créature.

Hísië hocha la tête. « C'est normal. Gaurfain était un général sous les ordres de Morniel, un adversaire redoutable. »

Aiden regarda la silhouette sur le trône et comprit. « Alors, c'est elle… »

« Oui, c'est notre fille, Morniel. » Hísië fixa le trône d'un regard sombre. « Cette bataille allait décider de l'espoir pour notre monde, ou de la victoire de Morniel. »

Aiden interrompit, l'air tendu. « Quel était son objectif, au juste ? »

Hísië tourna son regard vers lui. « Morniel voulait créer son propre ordre. Elle avait tout, entourée de l'amour de sa mère et du mien, mais elle désirait un nouveau monde, un ordre entièrement à elle. Elle aimait la nuit, l'obscurité où les étoiles paraissaient plus proches, et elle demandait souvent à sa mère pourquoi nous ne pouvions pas les atteindre. Ce désir, innocent au début, est devenu une ambition dévorante. »

Il fit une pause, laissant Aiden absorber cette révélation, puis continua : « Elle créa en cachette des monstres, murmurant des pensées sombres aux elfes et humains. Comme une maladie, cette corruption s'est répandue. Lorsque nous avons découvert que c'était elle, cela a brisé nos cœurs, à Tuilë et moi. Mais malgré notre amour pour elle, nous savions qu'il fallait l'arrêter. C'est ainsi que cette bataille a éclaté. »

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Un silence régnait encore lorsque Hísië claqua des doigts, et soudain, le temps reprit. Des explosions résonnèrent partout. Gaurfain, accompagné d'un vampire, s'élança vers les six figures qui se dressaient, tandis que Caladwen et Eldarion se portaient à leur rencontre. Caladwen affronta le vampire, ses sorts de lumière éclatant comme des soleils perçant les ombres créées par les sorts vampiriques. Chaque explosion projetait des ondes de lumière et d'obscurité, illuminant le champ de bataille et semant le chaos, laissant derrière elle des corps figés dans leurs dernières postures de souffrance, comme figés pour l'éternité.

Eldarion et Gaurfain s'entrechoquaient avec une telle force que le sol tremblait à chaque coup, projetant des éclats de terre et de pierre. Ils se déplaçaient si vite que les yeux peinaient à suivre, leurs coups créant des ondes de choc qui brisaient la terre sous leurs pieds. Leurs regards, empreints de haine et de respect mêlés, trahissaient leur détermination à l'emporter, quoi qu'il en coûte.

En détournant le regard de ce spectacle dévastateur, Aiden sentit son attention attirée vers les quatre autres silhouettes. Un sentiment d'incompréhension monta en lui, comme si ces figures étaient empreintes d'un mystère qu'il ne pouvait saisir. Ces quatre silhouettes s'élançaient vers le trône de Morniel avec une détermination glacée.

Morniel, toujours assise sur son trône, claqua des doigts. Un chevalier colossal apparut, frappant le sol avec une telle puissance qu'une onde de terreur parcourut le champ de bataille. Le chevalier rugit, ses cris résonnant comme un tonnerre menaçant, et s'élança vers l'homme géant et la femme lumineuse, les interceptant et repoussant leurs assauts avec une puissance brute. Les deux autres figures, un homme aux cheveux blancs et une femme aux cheveux d'or, poursuivirent leur route, leurs pas ne vacillant pas une seule fois.

Ils s'arrêtèrent devant Morniel, qui se leva avec un sourire rempli de mépris. Sa voix résonna, divine et tranchante : « Père, mère, que pensez-vous de mon cadeau ? »

La femme, Tuilë, prit la parole d'une voix empreinte de tristesse et de supplication : « Morniel, je t'en prie… arrête cette folie. Reviens dans les bras de ta mère… je t'en supplie. » À cet instant, un souvenir lui revint, celui de Morniel, encore enfant, les yeux brillants d'émerveillement en observant les étoiles. « Maman, pourquoi ne pouvons-nous pas les atteindre ? » Cette même question innocente était devenue le cri de guerre de sa folie.

À côté d'elle, l'homme aux cheveux blancs, Hísië, restait silencieux, son regard empli de tristesse et de détermination. La douleur et la résignation marquaient chacun de ses traits. Il glissa sa main dans celle de Tuilë et murmura : « Nous le ferons ensemble. » Elle lui répondit d'un hochement de tête, serrant sa main avec force.

Morniel les observa et éclata soudain dans un rire dément, glacial et terrifiant. Son rire, semblable à un coup de tonnerre, fit frémir ceux qui l'entendaient. Autour d'elle, l'air semblait vibrer, saturé d'une énergie sombre. Elle regarda ses parents, les yeux emplis de folie, et leur déclara d'une voix acerbe : « Mère, ne vois-tu pas que tout cela est de votre faute ? »

Elle descendit de son trône et fit apparaître un marteau aux symboles étranges gravés dessus, comme venu des profondeurs d'une folie ancienne. À ses côtés, une immense bête apparut, ses membres constellés d'étoiles, comme si l'univers lui-même battait dans ses veines. La créature rugit, chaque pulsation semblant contenir la puissance des galaxies. À chaque pas, elle laissait dans son sillage une poussière d'étoiles qui s'élevait et s'évanouissait dans l'air.

Morniel leva son regard vers le ciel et émit un rire à glacer le sang. Soudain, elle cessa de rire, fixant ses parents d'un regard froid. « Nous sommes des dieux, des créateurs, et pourtant, vous vous obstinez à protéger ces mortels pathétiques qui ne reconnaissent même pas leurs maîtres. »

Elle se tut un instant, son visage empreint de mépris, puis tourna son regard vers Tuilë. « Mère, tu me déçois énormément… mais c'est bien dans ta nature de voir le bon en tout, même là où il n'y en a pas. »

Elle se tourna vers Hísië, un sourire calculateur étirant ses lèvres. « Et toi… je pensais que tu comprendrais. Toi qui n'as jamais réellement accepté cet accord de ne pas intervenir chez les mortels. »

Hísië serra la mâchoire, retenant une réponse pleine de rage et de tristesse. Il raffermit son étreinte sur son épée et répondit avec une voix où vibraient ses émotions : « Morniel, je n'ai jamais été d'accord, c'est vrai… mais JAMAIS je n'aurais créé une tentative de destruction pure, en sachant que ta mère en serait dévastée ! »

Morniel haussa les épaules, affichant un sourire désinvolte. « Je sais, Père. Tu as toujours été comme cela. Mère t'a mis une laisse si parfaite autour du cou, t'empêchant de devenir celui que tu es vraiment. »

Un instant, elle sembla figée, comme si une vision de son passé venait de l'effleurer. Elle se revit enfant, blottie contre sa mère sous un ciel étoilé, ses yeux illuminés de fascination. Elle se souvenait des nuits passées à observer les étoiles avec Tuilë, posant sans cesse la même question : « Maman, pourquoi ne pouvons-nous pas les atteindre ? » L'amour et la patience de sa mère emplissaient ces moments d'une chaleur douce, et son père, à leurs côtés, écoutait chaque question avec tendresse. Mais elle chassa cette vision d'un éclat de rire amer. Un doute fugace passa dans ses yeux, une hésitation peut-être, mais il disparut aussi vite qu'il était apparu.

Elle éleva les bras, et une lumière éclatante l'enveloppa. Sa robe noire se transforma en une armure de Valkyrie, brillante et menaçante. Elle fit un pas en avant, adoptant une posture de combat, et ses yeux scintillèrent d'une détermination folle.

« Laisse-moi défaire cette laisse, Père… et ensemble, créons le chaos. »

Elle s'élança alors vers ses parents, sa bête étoilée à ses côtés, prête à plonger le monde dans une bataille où se jouerait le destin de tous.

(Long chapitre, et j'espère que certains pourront deviner pourquoi Morniel agit ainsi. Vous en apprendrez plus dans les prochains chapitres, mais j'ai laissé quelques indices pour vous faire réfléchir. Partagez-moi vos avis !)

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